L’argentique, un choix guidé par le passé

Pourquoi l’argentique ? Parce qu’il me ramène là où le numérique m’avait perdu, en portant plusieurs contraintes qui structurent mon travail. Mais pas seulement.

Qui dit argentique dit grain. Et j’aime le grain. J’aime cette texture qu’il apporte à l’image, à l’opposé de la perfection lisse du numérique. C’est pour moi le petit + de l’argentique. J’utilise d’ailleurs des films à iso élevé (en général 400 ou 100 poussé à 400) pour un grain assez présent.

Parfois aussi, les boitiers un peu anciens ont une certaine personnalité. Les images qu’ils produisent, définies par les caractéristiques qui leurs sont propres (mesure de lumière, optique, …), donnent un résultat bien spécifique qu’on n’obtient pas avec un autre appareil.

L’argentique impose évidemment une réflexion poussée avant de déclencher parce que chaque image compte. Certes, on peut (et on doit) aussi réfléchir en numérique, mais si le résultat n’est pas satisfaisant, rien n’empêche de recommencer à volonté. Cette contrainte du déclenchement, associée à l’incertitude de la captation puisque l’image n’est pas visible, conduit à une certaine forme d’acceptation une fois qu’on a déclenché. Ce qui est fait est fait. C’est d’une certaine manière libératoire, et reposant.

Enfin il y a l’attente. Le temps de déposer le film au labo, le temps du développement et de la réception des scans … Et la découverte du résultat. Contrairement au numérique, c’est une découverte à froid, sortie du contexte de prise de vue, donc avec un autre regard, un autre état émotionnel aussi.

Des règles structurantes

L’étape de préparation est cruciale. C’est en quelque sorte un conditionnement selon le contexte, la durée du shooting, etc. Mais je me préserve toujours une part de « liberté », afin de pouvoir sortir du contexte et profiter d’un sujet inattendu.  Dans le cadre d’un voyage, et donc de multiples situations possibles, la préparation est encore plus « complexe ».

Selon l’objectif du shooting, je vais donc choisir le type de film (ou plusieurs films différents), la  (les) sensibilité(s), le nombre de pellicules à emporter, les optiques, les filtres éventuels, un pied peut-être, ou même des outils complémentaires comme un viseur d’angle, un flash, …  Il n’est pas toujours évident d’emmener beaucoup de matériel, des choix sont généralement à faire.

Ensuite, le shooting. Et là, les règles sont globalement immuables depuis le 19ème siècle.

Contrairement au numérique, le choix de sensibilité iso appliquée au film chargé dans le boitier est crucial car il restera identique pour toute la pellicule, on ne peut le « forcer » qu’au chargement, sinon le développement du film va devenir ingérable. Pas de balance des blancs, pas de technologie avancée pour adapter la machine au contexte, ici c’est plutôt le photographe qui s’adapte !

Et puis on ne prend pas 10 fois la même photo avec des réglages différents pour voir laquelle est la meilleure, déjà parce qu’on ne peut pas le vérifier, mais aussi parce que c’est un luxe, compte tenu du prix des films. Au mieux c’est 3 vues pour un « bracketing » (voire 5 sur certains boitiers). Quand on enchaîne, ça doit être pour une bonne raison (photo sportive ou nécessité de saisie de l’instant).

Bien évidemment, au delà des choix techniques de la prise de vue (ouverture, vitesse, focale, etc), il faut soigner le cadrage, la mise au point, la mesure de lumière au bon endroit (parfois plusieurs mesures combinées), faire attention à l’arrière plan, à la profondeur de champ désirée (qui dépend de l’ouverture), et si on est sur un sujet vivant ou mobile, c’est encore plus compliqué car il faut saisir l’instant. On peut aussi faire des choix techniques plus pointus comme de la superposition, ou l’utilisation de filtres particuliers pour des effets spécifiques, comme des filtres couleur pour renforcer les contrastes et modifier les gammes de gris (dans le cas du noir et blanc) ou encore des filtres à densité neutres pour gérer le mouvement, …

Vient ensuite le moment de déclencher, d’assumer en une fraction de seconde ses choix, et de n’avoir qu’une vague idée du résultat ! (C’est encore plus vrai en noir et blanc, car dans le viseur, c’est de la couleur que j’interprète).

Le numérique, en miroir de l’argentique

Pour le numérique, que je ne pratique que pour la couleur, je suis les mêmes règles que pour l’argentique. Ce choix est simplement dicté par le fait que mes boitiers argentiques sont réservés au noir et blanc.

Mon unique boitier numérique (en excluant le smartphone qui n’est qu’un outil de secours) est un ancien reflex APS-C de 2004, très similaire dans sa conception à mon boitier argentique favori, et aux capacités limitées (voir section TOOLBOX/Megapixels).

Mes réglages sont similaires, avec évidemment un iso fixe pour la durée du shooting, et le cadrage à travers un viseur classique et non sur écran (on a tendance à oublier que cadrer sur un écran change totalement la perception, et ce n’est pas forcément positif).

Evidemment si la situation l’exige, je vais profiter des avantages du numérique pour obtenir le meilleur résultat, mais vu l’ancienneté de mon boitier, les choix sont de toute façon limités (à part les iso et la balance des blancs …) !

Remarque : dans la section HORS CADRE, certaines images sont produites avec un smartphone (de qualité très moyenne). Nécessité du moment (je ne me promène pas toujours avec mes reflex), besoin d’illustration plutôt que démarche artistique, c’est évidemment pratique, mais n’ayant aucun contrôle réel sur l’électronique je ne suis pas fan, même si j’en tire parfois des images intéressantes.

La phase de « développement »

Comme déjà évoqué Mes films sont développés puis scannés en haute résolution par un laboratoire. Ensuite je réalise le « développement » des images sur ordinateur.

L’utilisation de l’informatique est pour moi un moyen de m’affranchir de l’aspect « petit chimiste » dont je ne suis pas fan, mais aussi d’une nécessité d’équipement et de place, tout en respectant les principes de travail des « anciens », la seule différence résidant dans l’outil.

Je ne fais jamais de modification du contenu de l’image (ajouts ou suppressions) sauf exception (contrainte de cadrage imposée par l’environnement avec « objet » parasite). Je ne superpose pas de calques, je n’utilise pas d’effets spéciaux. S’il y a des superpositions d’image, elles sont toujours réalisées à la prise de vue (et seulement en argentique). Bien évidemment je n’utilise pas d’IA.

Je me contente d’affiner mon cadrage, de nettoyer au mieux les images des poussières et autres petits défauts du film, puis je travaille sur les contrastes, les lumières, les gammes de gris, en utilisant généralement des masques, comme le faisaient les photographes avant l’ère du numérique. La différence ici est que mes masques ne sont plus en carton, et que la souplesse de l’informatique rend leur utilisation plus simple, plus rapide, avec des possibilités plus étendues.

Enfin, certaines images sont traitées avec un léger virage coloré, dans des tons de jaune, bleu ou marron selon les cas. La technologie a ici encore remplacé la chimie de l’époque des pionniers. J’utilise ce procédé aussi pour le traitement de certaines images en couleur.

Mais au-delà de ces aspects techniques, un autre paramètre entre en ligne de compte dans ma façon de traiter l’image, c’est mon énergie du moment, ma sensibilité, mon état émotionnel. Traiter une image peut me prendre 10 minutes … Ou plusieurs jours !

Et finalement, le plus difficile, comme probablement pour tout travail artistique, est de savoir terminer le processus, d’être enfin satisfait du résultat. J’avoue avoir une certaine faiblesse sur ce point !

Processus créatif

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